Légendes

Légende d’Etienne de Thiers et Alix de Bocestor

C’était en l’an de grâce 1248, Etienne, fils de Guy de Thiers, venait de se marier avec Blanche, héritière de la seigneurie de Vollore et devenait, par cet hymen, lui-même seigneur de Vollore.

Dans le prieuré de Bénédictines de Courpière, à cette époque, vivait une religieuse d’une grande beauté, Alix de Bocestor.

Par un beau soir de printemps, peu de temps après ce mariage, une ombre se glissa dans le couvent c’était Etienne qui venait pour enlever sa bien-aimée.

Ce rapt audacieux fit un bruit énorme, on en parla dans toute la province et amena l’intervention de Bertrand, Abbé du Moutier. Etienne de Thiers, seigneur de Vollore dut comparaître devant le tribunal de Guillaume de Cébazat, évêque de Clermont. Il fut condamné à rendre la religieuse à son ordre, à la faire rentrer à ses frais dans un couvent semblable, à payer 30 livres à l’abbé de Thiers, 30 autres à la Prieure de Courpière qui furent affectées à la construction d’un dortoir, et à donner l’autorisation de prendre dans son bois de la Plaine-Vez, sous le Château de Vollore, autant d’arbres qu’il serait nécessaire pour la construction du dit dortoir.

C’est en effet dans ce bois que les amants en fuite avaient été retrouvés.

Alix fut donc remise entre des mains religieuses, Etienne revint demeurer auprès de sa femme Blanche, dont il eut un fils, Etienne Il de Thiers.

Quelques années après ces événements Etienne partit pour la terre Sainte avec saint Louis, alors roi de France, pour chasser l’infidèle.

Au cours de cette interminable croisade, il contracta la lèpre.

Trois ans plus tard, il revint, si défiguré que le portier de son château refusa de le reconnaître.

Il fit alors appeler Dame Blanche. Celle-ci, prétendant que son mari était mort aux croisades, affecta avec dédain de prendre Etienne pour un aventurier et donna l’ordre de le chasser.

Les valets n’osant l’approcher par crainte de la contagion, Etienne allait forcer le passage, lorsque la châtelaine irritée, ordonna de lâcher sur lui la meute de chasse…

Ayant échappé de justesse aux chiens, et de plus en plus malade, Etienne alla se faire hospitaliser à la maladrerie de Saint-Nicolas, près de Job, dans les monts du Livradois au Sud de Vollore.

Une des religieuses s’occupa constamment de lui, et tout en gardant son voile toujours baissé, le soigna de son mieux afin de lui alléger ses terribles souffrances.

Etienne était pénétré de reconnaissance devant un tel dévouement, surtout lorsqu’il le comparait au terrible accueil qu’il avait reçu chez lui. Affaibli par l’implacable maladie, il comprit enfin que la mort approchait.

Il supplia alors l’aumônier d’aller chercher son fils (dit la légende car Etienne n’eut qu’une fille) et celle qui s’était jadis si totalement confiée à lui, afin d’implorer son pardon. Le prêtre vint quelques instants plus tard accompagné de la religieuse qui s’était tant dépensé pour lui alléger ses souffrances, et dont l’abnégation et le dévouement avaient été pour lui le plus grand réconfort moral qu’il puisse attendre en ce monde.

Il lui fit enlever son voile et le moribond vit devant lui, Alix de Bocestor elle-même qui dès son arrivée, avait reconnu son ancien séducteur et s’était sans un mot sacrifiée à lui.

Le jeune Etienne II de Thiers arrivé au couvent, reconnut également son père, et la légende veut que de retour au château de Vollore, il ordonna que sa mère, Blanche de Vollore, fut conduite au cachot, où elle finit ses jours après une longue agonie repentante.

Et c’est ainsi que de nos jours, par certains soirs d’orage, on peut très distinctement entendre encore, le murmure repentant de Blanche de Vollore, qui revient hanter son château, dont elle refusa jadis la porte à son époux lépreux de retour de Croisades.

Pour la partie historique, nous reproduisons ci-après le jugement du Tribunal ecclésiastique de Clermont :

Jugement du tribunal de Guillaume de Cébazat, évêque de Clermont : Nous Guillaume de Cebezat, diacre de Clermont, vicaire de notre vénérable père, le seigneur Hugues, évêque de Clermont par la grâce de Dieu, à tous ceux qui ces présentes verront, faisons savoir que, cherchant en vertu d’un mandat spécial du seigneur évêque à établir la bonne harmonie et à provoquer un arrangement au sujet du procès existant entre l’abbé de Thiers (Bertrand, abbé du Moutier de Thiers), religieuse et honnête personne, agissant pour lui et la prieure de Courpière d’une part, et Etienne de Thiers, damoiseau, seigneur de Vollored’autre part, procès résultant de l’enlèvement d’Alix de Bocestor, religieuse du monastère de Courpière dans les dépendances de l’abbaye de Thiers, par lequel avait été jeté le déshonneur et le discrédit sur le reste de la communauté, nous avons fait prêter aux deux parties non sans de vives contestations serment sur les saints évangiles d’observer inviolablement notre sentence d’arbitrage; ensuite de quoi nous avons rendu le jugement suivant, fruit de notre plus sérieux examen et de nos mûres délibérations, sur les conseils de gens prudents, savoir : Le dit Etienne de Thiers sera tenu de rendre la dite religieuse à son ordre; de la faire entrer à ses frais soit dans un couvent du même ordre, soitdans tel autre dont la règle sera plus sévère, et de payer au dit abbé de Thiers 30 livres, monnaie de Clermont, comme remboursement des avances faites pour la poursuite du procès, dont quittance a été délivrée sur le champ à cause du versement immédiat de la somme ; le dit Etienne devra de plus payer 30 autres livres, même monnaie, à la prieure, pour être appliquées par elle à la construction d’un dortoir ; il permettra en outre à la dite prieure, de prendre dans sa forêt de Plaine-Vèze, tout le bois nécessaire à cet effet. Incontinent après, les parties se délivrent quittance et décharge de toute action, plainte, réclamation, relatives au fait ci-dessus. L’abbé a même ajouté qu’il se portait fort de faire agréer ce jugement par la prieure. En témoignage de quoi, sur leurs prières et demandes, nous leur avons donnéla présente signée et scellée de notre sceau.

Suivent les signatures de l’abbé, d’Etienne de Thiers.

« Fait le jeudi avant la nativité de la bienheureuse vierge » Marie, l’an du Seigneur 1248 — [B. t. i, 194 et suiv.]. »

 

Notre Dame des Neiges                                               

En 1778, le cimetière qui avoisinait l’église fut transporté à l’entrée du bourg côté nord-est.

Dans ce nouveau cimetière il y avait déjà une chapelle dédiée à N.-D. des Neiges, et comme on ne la voit signalée dans les procès-verbaux de visite pastorale qu’en 1779, on suppose, ou qu’elle n’existait pas lors des visites antérieures de 1731 ou qu’elle n’avait pas l’importance qu’elle eut ensuite.
Le lieu de la Confrérie où s’éleva la chapelle de Notre-Dame des Neiges était un communal planté de saules. Quand on voulut en faire un cimetière on dut déblayer le terrain, couper les arbres, etc. Dans le tronc d’un vieux saule, on découvrit une statue de la Sainte-Vierge debout, portant l’Enfant-Jésus.

On s’empressa de la transporter avec honneur à l’église, mais par trois fois on retrouva la statue au communal de la Confrérie. Bien plus, le 5 août, en plein été on vit l’emplacement où on l’avait trouvée couvert de neige. Il n’y avait pas à hésiter : Marie voulait demeurer en ce lieu. On lui éleva donc une chapelle et un autel et tout aussitôt la Mère de Bonté fit descendre ses grâces sur ce peuple qui venait la prier. Le sanctuaire de Notre-Dame de la Confrérie ou de Notre-Dame des Neiges – ainsi le nommait-on indifféremment – devint un lieu de pèlerinage très fréquenté. Ses murs furent bientôt couverts d’ex-voto, et l’on remarqua que les enfants furent, avec les malades des yeux, les plus favorisés des grâces de la Très-Sainte Vierge.

La statue fut sauvée à la Révolution, la chapelle restaurée au XIXe siècle. De telle sorte que l’on prie toujours à Vollore avec ferveur Notre-Dame des Neiges en son sanctuaire du cimetière de la Confrérie. On la portait parfois en procession et nous voyons même qu’en 1888 « la statue antique de la chapelle de la Confrérie » s’en vint en pèlerinage à Notre-Dame d’Espinasse avec les paroissiens de Vollore.

 

Des cloches incassables

(Histoire et légende.)

Le 30 Floréal le district demanda que les cordes de l’église soient expédiées et que les cloches soient brisées pour être destinées à la fonderie. Un membre du Conseil dit alors : “II faut faire passer à leur destination toutes les cloches pour finir de mettre fin à toute idée de fanatisme”. Le Conseil arrête donc :

1° – les cloches commenceront d’être voiturées à la fonderie BOYER à CLERMONT-FERRAND dans le courant de la décade ;

2° – les morceaux brisés provenant desdites cloches seront mis dans des tonneaux ;

3° – le Conseil indique à cet effet les tonneaux ayant appartenu à VALLÉ et GUELON prêtres déportés ;

4° – le Conseil nomme pour conduire lesdites cloches à CLERMONT le citoyen CROZE voiturier à la Prade, l’invite à reconduire les tonneaux et à prendre un récépissé pour chaque voiture ;

C’est ainsi qu’au jour du 1er Prairial, le citoyen CROZE voyageait avec ses compagnons journaliers en direction de CLERMONT transportant ce qu’il restait des belles cloches de VOLLORE dont la réputation était fameuse dans toute la région. Chemin faisant CROZE expliquait à ses aides comment des cloches aussi solides, au bronze aussi pur, avaient pu être brisées “Elles ont été jetées du haut de leur clocher et sont tombées dans le cimetière, au niveau de la porte latérale de la vieille église côté Nord. Dans leur chute, pas une seule ne s’était fêlée et les démolisseurs eurent beau les battre avec d’énormes marteaux de forge et mate si le bronze geignait des coups reçus, il ne céda point”.

Les Révolutionnaires étaient bien embarrassés de ces cloches plus résistantes que le granit de Chignore et ils se prirent à désespérer en pensant qu’ils n’arriveraient point à s’en défaire. Et que dirait CHATEAUNEUF RANDON, le Commissaire du Peuple ? Pendant ce temps les bigotes du bourg priaient en silence derrière leurs volets clos et parfois quelques unes s’échappaient de leur réclusion pour s’informer de la situation exacte en simulant une visite de routine au cimetière. Les casseront-ils ? Enfin le soulagement des briseurs et des casseurs arriva avec l’intervention bien inattendue de DELAIRE, résidant au bourg, un personnage un peu flou qui traînait depuis son arrière grand-père la réputation de pactiser avec le malin… appelez ça le diable si vous voulez.

Or, ce DELAIRE arriva avec une petite musette remplie de gousses d’ail et se mit à frotter le bronze avec ces gousses, au grand étonnement des gens qui l’entouraient. Ce travail terminé, il prit une masse et sans frapper comme un pilon il fit voler en éclats les cloches rebelles à la casse. Ce fut l’ébahissement. Depuis ce jour, DELAIRE affina sa réputation et fut tenu pour un sorcier par toute la population… Mais sa maison fut désormais hantée… le soir on y entendait le charivari. Certaines personnes dignes de foi racontaient même que les tuiles et les pierres de la toiture s’envolaient dans la rue en sifflant, menaçant d’assommer les rares passants …. Chacun évitait de passer à proximité de ces lieux ensorcelles…. Un très vieux prêtre du bourg, l’abbé DOUPEUX, 75 ans, retraité dans sa famille, allait dire chaque matin sa messe à la Chapelle du Château. Il faisait un long détour par le chemin de ronde du cimetière, le faubourg Saint Antoine et les Cros du Four pour ne pas emprunter la rue de la Chaussade où se trouvait cette maison maudite. Les plus courageux qui osaient se hasarder vers ces lieux ne manquaient jamais de se signer et de presser le pas.

Voilà l’histoire de nos cloches de l’An II qui vous a été rapportée conformément aux archives municipales mais aussi selon les échos de la tradition orale déjà lointaine.

 

LES BRULE-MORTS

La réputation faite aux vollorois d’être des brûle-morts mérite quelques explications car, en dépit de la légende tenace voulant représenter nos compatriotes comme des païens sauvages, irrespectueux de leurs anciens, nos devanciers de la période révolutionnaire étaient dans leur immense majorité très attachés aux vertus chrétiennes. On peut donc douter qu’ils aient décidé un jour, pour de vulgaires raisons de salubrité ou de simple commodité, de destiner au bûcher les ossements provenant de l’ancien cimetière de la Motte, actuellement Place de l’église.

Pour mieux comprendre l’origine de cette tenace réputation et afin de redresser certaines affirmations un peu trop hâtives, qui ont disgracié nos anciens aux yeux de leurs descendants, il importe de relater l’historique de cette affaire en reprenant certains détails importants consignés dans les registres des visites pastorales en date du 6 mai 1777.

A cette époque, disons qu’il existait sur le périmètre de l’église deux cimetières, l’un qui occupait tout l’emplacement de la place actuelle et l’autre qui se limitait à l’espace occupé désormais par la boulangerie. Ce dernier était réservé aux prêtres et filleuls, de même qu’aux indigents de la commune. Une chapelle vouée à Notre-Dame de la Bonne Garde tenait lieu de pèlerinage et bénéficiait d’une renommée très étendue. Elle se situait aux abords de la cure actuelle, où l’on peut apercevoir les voûtes gothiques ou ce qu’il en reste.

Or, ce cimetière entourant l’église n’était pas toujours parfaitement entretenu, il contenait tout simplement des tombes fort exiguës, sans aucun monument luxueux qui aurait pu distinguer certaines familles par la richesse de l’ouvrage. Une simple allée permettait d’accéder aux tombes ainsi qu’à l’église par le porche principal et la petite entrée latérale, côté Nord. La route actuelle fut bâtie plus tard après bien des difficultés et la réalisation de travaux considérables pour effacer la butte rocheuse qui faisait obstacle devant La Motte de l’église, au niveau de l’ancienne halle (le petit cimetière à l’époque). Le clocher octogonal, situé à l’emplacement de l’actuel clocheton était riche de quelques deux ou trois cloches d’un bronze aussi solide que le granit du Chignore.

Tel était l’aspect de la Place de la Motte, l’ancien cimetière devenu aujourd’hui la Place de l’église avec sa fontaine en lave de Volvic.

Mais revenons aux prémisses qui permettront aux vollorois de connaître un peu mieux l’origine de cette triste réputation des brûle-morts qui leur a été affublée. Le 6 Mai 1777, l’évêque de Clermont, François de Bonnal, qui fut en 89 le président du Clergé aux Etats Généraux, vint à Vollore faire une visite de la paroisse et prendre contact avec les fabriciens et marguilliers qui assuraient la gestion des affaires. En dépit de l’accueil chaleureux qu’il reçut et de cette foule immense de paroissiens venus massivement affirmer leur foi sous la houlette épiscopale, l’évêque de Bonnal fit part avec beaucoup de fermeté et de réprobation de son indignation quant à la tenue du cimetière jouxtant l’église où la salubrité et la décence à l’égard des morts étaient loin d’être satisfaisants sans parler du manque de piété pour nos anciens. L’évêque demanda donc que fut envisagé le transfert de ce cimetière en un autre lieu. Cette visite eût un peu l’effet d’une bombe et le Marquis de Saint Hérem, seigneur de Vollore en ce temps là, proposa les lieux dits de la Confrérie situés aux abords de la Chapelle du cimetière actuel. Très vite l’évêque de Bonnal émit un avis favorable aux propositions de transfert faites par le Marquis de Saint Hérem.

Le cimetière autour de l’église doit être transféré à la Confrérie. Ainsi en a décidé Messire François-Marie de Lagarlaye, Evêque de Clermont, soutenu par Monsieur le Marquis de St-Hérem, un certain nombre de personnalités de Vollore et autres voisins du cimetière “sans autres raisons” d’après Vallé curé de l’époque, et plus encore par l’édit du roy. Le transfert devient effectif par l’ordonnance de Mgr de Bonal, Evêque de Clermont en juin 1777. (Le 2 Janvier 1778, François Gardelle est le premier à être inhumé dans le cimetière de la Confrérie). Seul est conservé le cimetière de la Motte pour servir de sépulture aux prêtres de la Communauté, et à d’autres moyennant redevance.

Or, sur ce nouveau terrain se tenait déjà la Chapelle de Sainte-Marie des Neiges et il fut décidé de clore cette chapelle et d’acquérir les terrains du périmètre immédiat, planté de chènevière, appartenant à Michel Batisse Bomby. On arrêta aussi de vendre au prix de gros ces quelques arbres, des saules, afin d’atténuer le coût financier de l’opération.

La paroisse désireuse de satisfaire les ordres de l’évêque prenait la résolution de fermer dans les six mois le cimetière de la Motte et que seul le petit cimetière pourrait encore être utilisé aux inhumations avant la mise en état du champ de la Confrérie. Des tarifs énormes avaient en outre été fixés pour décourager les esprits réfractaires à cette révolution et qui s’entêtaient à vouloir une sépulture en ces lieux “six livres pour un grand corps, trois livres pour un petit corps et la gratuité pour les prêtres et les indigents”.

Dès l’année suivante, commença le transfert du cimetière de la Motte et, par une correspondance en date du 3 mai 1778, l’évêque de Clermont autorise que le desservant de l’église Saint Maurice dise une messe basse dans la Chapelle de la Confrérie, qu’une sacristie soit bâtie, que les membres de la Fabrique fassent les frais d’ornements et qu’enfin une cloche soit achetée et dont le poids avait été fixé à 200 livres.

Ce transfert du cimetière-fit bien sûr beaucoup de bruit et les vollorois exécutèrent bien à contre cœur les ordres qui leur avaient été donnés. Une fronde latente existait contre ce transfert, ce qui en retarda peut être l’exécution.

Béni le 2 janvier 1778, le nouveau cimetière devait être utilisé dès les premiers mois de l’année nouvelle.

Le cimetière “d’autour de l’église” fut donc appelé; à terme, à disparaître; Effectivement, il devint bien national et vendu comme tel. L’adjudication définitive du 23 Août 1792, (l’an 4 de la Liberté), à 8 heures du matin, porte sur :

  • Un ci-devant cimetière situé en la ville de Vollore, contenu 3 coupées appelé la Motte.
  • Un autre ci-devant cimetière, une petite église appelée Notre-Dame de Bonnes Nouvelles, une maison et une halle joignant ensemble, situés en la ville de Vollore, enchéris à 215 livres. Les biens sont adjugés au sieur Genès Maspatier demeurant à Thiers, promettant de payer pour ladite acquisition, 340 livres. Le 20 novembre suivant, le même Genès Maspatier subroge à l’effet de celte adjudication le citoyen Tournillac, administrateur, acceptant pour le conseil général de la municipalité de Vollore la Ville, moyennant la somme de 340 livres. C’est là un bien curieux artifice pour rendre propriétaire la commune de Vollore qui n’a pas été adjudicataire de son cimetière.

Alors qui furent donc ces brûle-morts ?

En dépit des rappels à l’ordre émanant de l’évêché, le transfert du cimetière, de la Place de la Motte à la Confrérie de la cime du bourg, n’avait pas été pleinement réalisé avant la Révolution et en 1793 l’ancien champ des morts entourant l’église présentait surtout l’aspect d’un terrain vague car l’entretien des lieux avait été quelque peu négligé depuis que les opérations de translation avaient été bien mollement amorcées.

Or, dans le cadre des mesures prises par le Comité Révolutionnaire du district de Thiers, il fut décidé en 1793 de faire disparaître toutes les traces du culte des morts afin de punir les Vollorois pour leur tiédeur à l’égard des institutions récemment mises en place. Cette mesure visant à l’élimination définitive de ce cimetière, sans égards pour la conservation des défunts, avait été retenue par l’arrêté du 19 Pluviôse afin de précipiter la déchristianisation mais surtout dans le but d’éliminer tous les alibis des Vollorois prétendant une visite à leurs chers défunts un septidi pour ne pas travailler ce jour là et respecter de la sorte l’ancien calendrier faisant du 7ème jour, le dimanche, jour de repos alors que la République ne reconnaissait que le décadi (l0ème jour).

Pour échapper aux nouvelles directives de l’ordre nouveau visant à écraser le fanatisme, obligation fut faite à chacun de travailler le 7ème jour Mais les Vollorois affluaient quand même au bourg, emplissant auberges et tavernes, café et restaurants, rôdant ensuite la journée entière aux abords de l’église pieusement ou faussement recueillis auprès de leurs tombes aux croix brisées. Et le décadi, jour officiellement reconnu, ils vaquaient quasiment tous à leurs activités avec des allures parfaites de Saints Innocents.

Il arriva qu’un jour Châteauneuf Rabdon, Commissaire du peuple résidant à Thiers, apprenne cette espèce de fronde des Vollorois et qu’il s’en suivit aussitôt la fermeture de tous les cafés au septidi. L’ordre fut même donné de disperser les rassemblements aux abords de l’ancienne église transformée en temple et d’inscrire sur la liste des suspects tous les contrevenants aux nouvelles mesures de coercition.

Mais l’entêtement des Vollorois était farouche et la Garde Nationale ne parvenait point à faire appliquer l’ordre nouveau sans qu’il se produise sans cesse des incidents. Or, voilà qu’il fut décidé de disperser tous les restes de ce cimetière qui constituait en vérité un obstacle majeur à la diffusion des idées révolutionnaires. Les habitants des hameaux furent requis de force et souvent même “manu militari” afin de transporter la terre des anciennes concessions vers le lieudit “Saint Laurent” (c’est-à-dire vers l’ancien lavoir situé en bordure de la route de Montmiot) tandis que les ossements étaient entassés à part pour éviter une dispersion par trop anarchique qui aurait ulcéré davantage encore nos concitoyens.

Un certain temps on eût cru qu’un grand ossuaire serait aménagé au cimetière de la Confrérie et nos devanciers y crurent longtemps. Il n’en fut rien et les tenants du régime donnèrent l’ordre de l’incinération.

Voilà pourquoi les Vollorois, et bien malgré eux, se firent l’effroyable réputation de brûle-morts en cet An II (1794) de la 1ère République.

Lorsque la fumée et les odeurs diverses se furent dispersées complètement le souvenir de cette incinération criminelle hanta les jours et les nuits de nos ancêtres comte un remords malin, dont personne ne peut se défaire avant d’avoir les deux pieds et la tête dans la tombe. Aujourd’hui la réputation n’est pas perdue et nos amis Thiernois disent parfois par simple taquinerie “lou brulos de Voullore” quand ils parlent de nous.

Les maisons qui entourent actuellement la Place de l’Eglise présentent toutes un même balcon. Ces balcons correspondent au niveau de l’ancien cimetière et ont été édifiés sur d’anciennes concessions. Il en résulte qu’ils recèlent tous des ossements en quantité considérable et qu’ils constituent autant d’ossuaires datant de cette époque. Notons également que dans la nef latérale de notre église, sur la face Nord, on peut remarquer là une dalle impressionnante en granit. Sous cette dalle, on y a découvert des ossements amoncelés curieusement. La légende ou la tradition rapporte que ces ossements proviennent aussi de l’ancien cimetière et qu’ils auraient été dissimulés en cet endroit pour les épargner de l’incinération.